des keurs de toutes les couleurs
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Déc. 2016. Des keurs de toutes les kouleurs n°1

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Des keurs de toutes les couleurs : fanzine solo et collaboratif (j’ai besoin de vos contributions! ????) autour de l’anarchie relationnelle (AR) et des amours et amitiés hors Normalité (relations hétéros monogames amatonormatives,…).

Le fanzine version pdf :

Page par page A4

Cahier A5 pour impression

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Edito/intro (quelques explications)

Ce fanzine est né de l’envie de créer quelque chose de concret de toutes les réflexions sur l’amour et les relations qui me passent par la tête, et de mon intérêt pour l’anarchie relationnelle.

J’ai découvert l’anarchie relationnelle assez récemment, et en même temps j’avais l’impression, en découvrant cette philosophie des relations, de simplement trouver des mots pour décrire quelque chose que j’avais déjà amorcé dans ma vie. Et surtout, de me rendre compte que je n’étais pas tout seul.

L’anarchie relationnelle est une façon d’envisager les relations en refusant leur hiérarchisation sur base des ‘types’ de relations.

Cette hiérarchisation se produit d’abord suivant la norme romantico-sexuelle qui place les relations amoureuses et sexuelles au-dessus des autres types de relations, et crée un fossé entre ces relations d’une part, et l’amitié d’autre part : on ne peut pas être amoureuxse de ses ami·es. Les relations ne rentrant pas dans ces cases binaires sont reléguées au second plan, invisibilisées, non reconnues. Ainsi, une relation romantico-sexuelle exclusive entre deux personnes A et B sera plus reconnue et plus visibilisée, qu’une relation queerplatonique entre C et D.

Parallèlement à la norme romantico-sexuelle, d’autres hiérarchisations se produisent suivant les oppressions vécues par les personnes impliquées dans ces relations. Par exemple, si A et B sont une femme et un homme cisgenre et hétérosexuel·les, leur relation sera plus valorisée et acceptée qu’une même relation entre E et F, E étant une femme trans blanche et F une femme cis racisée, sans domicile fixe et qui porte le voile.

Ces deux principes hiérarchisants peuvent évidemment s’additionner…

« Plus valorisée » veut dire que ces personnes, A et B, auront facilement les mots pour décrire leur relation, qu’elles ont pour s’identifier des modèles omniprésents dans la culture et les médias, qu’elles seront plus facilement acceptées par leur entourage, qu’elles n’auront pas droit à des regards chelous dans la rue et qu’on ne risque pas de les agresser si elles s’embrassent en public. « Plus valorisée » veut également dire que leur amour ne sera jamais remis en question, alors que l’amour de C et D, ou de E et F, sera considéré comme inférieur, voire inexistant.

L’anarchie relationnelle s’attache donc à favoriser une variété de types de relations, en dehors du modèle romantico-sexuel. Elle s’attache également à construire des communautés dans lesquelles chacun·e a une place, et la possibilité de construire des relations enrichissantes.

De manière plus générale, l’anarchie relationnelle, c’est le refus de normes imposées sur la relation, au profit du développement de règles explicites et consenties par les personnes impliquées dans cette relation. Par exemple, la règle selon laquelle deux personnes, disons A et B, qui sont en relation romantique depuis un certain temps, devraient envisager d’emménager ensemble, peut être questionnée, plutôt qu’acceptée comme si elle était une évidence. Et ces deux personnes peuvent très bien décider de ne pas emménager ensemble, A souhaitant continuer à habiter avec G et H, et B préférant continuer à vivre en squat avec une bande de coupaines.

En 2006, Andie Nordgren écrit « The short instructional Manifesto for Relationship Anarchy ». Il se résume en 9 points :

  1. Love is abundant, and every relationship is unique (L’amour est abondant, et chaque relation est unique)

  2. Love and respect instead of entitlement (l’amour et le respect, plutôt que le droit de s’approprier l’autre)

  3. Trust is better (la confiance, c’est mieux)

  4. Change through communication (le changement par la communication)

  5. Find your core set of relationship values (trouvez quelles sont les valeurs à la base de vos relations)

  6. Fake it til’ you make it (faites semblant jusqu’à ce que ça marche)

  7. Heterosexism is rampant and out there, but don’t let fear lead you (l’hétérosexisme est partout, mais ne laissez pas la peur vous guider)

  8. Build for the lovely unexpected (laissez la porte ouverte aux charmantes surprises)

  9. Customize your commitments (personnalisez vos engagements)

Une traduction en français du texte entier se trouve ici : http://professeurdragon.blogspot.be/2016/02/manifeste-de-lanarchie-relationnelle.html et la version en anglais ici : http://theanarchistlibrary.org/library/andie-nordgren-the-short-instructional-manifesto-for-relationship-anarchy

Ce fanzine est un projet solo qui a besoin de vos contributions ! En effet, ça me paraît un peu stérile de parler tout seul d’un tel sujet, puisqu’il y a sans doute autant de manières de définir l’anarchie relationnelle que de personnes qui la vivent, et qu’elle est propice à des réflexions et créations sur des sujets variés qui vont un peu dans tous les sens.

Igor

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“Qu’est ce qui t’a amené·e à l’anarchie relationnelle ?”

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“J’avais jamais entendu parler d’anarchie relationnelle avant euuh .. il y a environ trois mois. Enfin presque, j’ai quand même l’impression d’avoir lu le « Manifeste de l’anarchie relationnelle », il y a quelques années, quand j’étais un bébé anarchiste qui lisait à peu près tout ce qui lui tombait sous les yeux à ce sujet. A ce moment il m’avait semblé une évidence: Étant anarchiste, je ne pouvais pas ne pas être anarchiste relationnel. Même pas besoin de préciser “relationnel” : je suis anarchiste et je le suis dans toutes les sphères de ma vie, c’est un travail perpétuel, bla bla..

Mais je n’avais aucune idée qu’il existait un « mouvement » autour de l’anarchie relationnelle.

En découvrant l’anarchie relationnelle, j’ai vu qu’elle était parfois considérée comme un type de polyamour, mais cela ne me parlait pas trop, le polyamour comme je le connais (relations amoureuses/sexuelles multiples) n’ayant jamais été une question qui s’est posée dans ma vie. Je me suis posé des questions sur le polyamour, mais étant en questionnement aromantique/asexuel, je n’étais pas trop sûr de savoir ce que veut dire le “amour” qui suit le poly. D’autres questions se posaient à ce moment dans ma vie : penser à mes relations autrement qu’en termes “classiques” d’amour et amitié, analyser sans jugement les attirances multiples qui sont présentes dans chacune d’entre elles, penser à ce dont les personnes ont envie, au consentement, aux normes qui font que tel ou tel “type de relation” (entendu, amitié/amour) devrait appeler tel ou tel “type d’acte” (sexualité obligatoire en couple, interdit de tenir la main de ses amis, etc, etc), communiquer, communiquer, communiquer.. Faisant ça, je ressentais de moins en moins la pression de construire un couple.

Mais je ressentais aussi de moins en moins la pression de construire des relations romantiques ou sexuelles, puisque j’étais plus attentif à mes propres attirances et que j’arrêtais d’interpréter tout et n’importe quoi comme des indices d’attirances romantico/sexuelles.

En re-découvrant le manifeste de l’AR, je me suis rendu compte que cette anarchisme des relations n’était pas aussi évident que je l’avais pensé lors de ma première lecture (lorsque j’étais jeune, idéaliste, naïf et innocent, toussa toussa).

En un an, ma façon de voir mes relations a beaucoup changé. Plusieurs choses dans ma vie, plus événements, plusieurs apprentissages, plusieurs rencontres m’ont permis de comment à construire quelque chose de réellement authentique à ce niveau, au lieu de suivre aveuglément des normes qui de toutes façons, restaient fort opaques à mes yeux.

Si je devais citer les choses qui m’ont amené à l’AR (hormis les algorithmes de facebook qui ont placé le groupe « anarchie relationnelle » dans mes suggestions), je dirais : le consentement, mes problèmes avec les implicites sociaux, et mes questionnements sur mes orientations (romantiques/sexuelles/whatever..). L’anarchie relationnelle me permet d’arrêter d’essayer désespérément de plaquer des étiques sur mes relations, mes attirances, et mon identité, pour enfin regarder à ce qui est, plutôt que ce qui devrait être (suivant les normes relationnelles de notre société). Et ainsi, elle me permet d’aller vers plus d’authenticité, et de devenir un peu plus moi-même. C’est une grande bulle d’air frais. J’ai aussi conscience que ce changement n’aurais pas pu avoir lieu sans une certaine sécurité ni une certaine confiance en moi, les autres et le monde, et ces choses ne sont pas évidentes.

Une autre chose assez peu évidente, est de comprendre le fossé entre déconstruction et expérience personnelle. Si les normes sociales s’incarnent jusque dans nos corps, comment pouvons-nous les déconstruire ? Réponse : on ne peut pas. En tout cas, pas pour l’instant .. En attendant, attachons-nous à construire ensemble la sécurité émotionnelle qui nous permettra d’accepter nos émotions, mêmes celles qui sont moches et dont on a tendance à penser qu’on ne devrait pas les ressentir. Attachons-nous à nous faire sentir suffisamment en sécurité les un·es les autres pour explorer ce qui nous rend heureuxses dans nos relations” ????

~ Igor

“Je n’ai pas eu beaucoup de relations intimes, mais le peu que j’ai eu a été assez éclectique et non-conventionnel… Ce sont donc des expériences qui m’ont, de par leur nature, forcée à ouvrir mon esprit (qui l’est déjà à la base) et réfléchir (ce que je fais tout le temps de toute manière) sur ce qui est possible en terme de relations, d’amitié et d’amour.

La deuxième, et précédente relation intime que j’ai eue était “amoureuse” sans vraiment l’être… Mon “partenaire” vivait dans le pays d’à côté et nous étions tous deux très ouverts d’esprit, souhaitant conserver notre liberté, et respectant nos besoins communs de solitude. Notre relation était ouverte. J’étais déjà intéressée par le polyamour comme possibilité de modèle relationnel, comme philosophie de vie. J’avais lu un livre: “Polyamory in the 21th Century” de Deborah Anapol, dans lequel j’ai également découvert le concept d’anarchie relationnelle pour la première fois. Mais je ne me suis pas penché dessus.

Et puis il y a un an et demi, j’ai rencontré un nouvel homme, qui est devenu mon “ami intime” – il n’y a pas vraiment mots “pré-fabriqués” pour définir notre relation. C’était après avoir perdu mon meilleur ami d’enfance, et l’éloignement de mon partenaire. Celui-ci a très mal pris l’éclosion de ma liaison avec P. (mon ami intime), malgré ce que je pensais être un idéal partagé… Notre relation érotique, et notre amitié, s’est étiolée au cours des derniers moi, ce qui me rend très triste car je l’aime énormément. Cela fait depuis que je suis adolescente que je conçois la possibilité d’aimer intensément plusieurs personnes; j’aime très peu de personnes, n’ai pas de vie sociale, mais quand j’aime c’est comme un “coup de foudre” (je n’aime pas cette expression mais à défaut d’une autre), sauf que pour moi un “coup de foudre” ne se limite pas au sentiment “amoureux”.

J’ai donc ce que j’aime appeler une “gray area friendship” avec P. (terme pris de cet excellent blog (en anglais) sur l’AR: https://thethinkingasexual.wordpress.com). Ni une “simple” amitié, ni une relation de couple. Un entre-deux qui comporte de l’affection sensuelle, et des relations sexuelles (parfois). Mais qui est de toute manière basé sur l’amour et l’attachement. C’est une relation qui n’est pas toujours facile à vivre, car mon ami a lui été élevé fermement dans la “dichotomie amitié/relation amoureuse”, l’idéal d’une relation de couple monogame et traditionnelle. Il est attiré et intéressé par ma vision des choses, mais cela crée un conflit intérieur en lui… Il a par ailleurs eu une relation “amoureuse” qui a duré deux mois, pendant laquelle nous avons tous les deux soufferts – malentendus, jalousie (car oui, on ressent ce qu’on ressent malgré ses idéaux et aspirations), tensions. Nous n’en sommes ressortis que plus forts, je pense. Il m’a choisie, en quelque sorte, mais ne se considère pas amoureux de moi. Moi, je ne sais pas trop – parfois je pense l’être, mais en général non et fondamentalement, je m’en fous. Les définitions du sentiment amoureux, de l’amitié, du couple, etc… ne s’appliquent tout simplement pas à ce que je ressens, ni à notre relation.

On pense autour de moi que nous sommes un petit couple: je comprends en effet leur confusion, malgré leur ouverture à mes explications sur le polyamour et l’AR. Je réfléchis beaucoup, je remets tout ce que la société m’a nourrie en question. Je l’ai toujours fait, et je continuerai à le faire. L’AR, depuis quelque mois, me permet de mettre des mots sur des choses que je ressens depuis longtemps, me permet d’examiner mes relations précédentes – je pense par exemple avoir été “amoureuse” ou attirée par tous mes amis masculins, qui étaient des meilleurs amis et rien “de moins”. Je recherche le même genre de connexion avec les femmes, et je pense n’être tout simplement pas capable de m’attacher à une personne avec qui je n’ai pas cette intensité qui caractérise le peu de relations que j’ai (que ce soit de l’amitié, de l’éros, ou même de la famille). L’AR me permet aussi de savoir que je ne suis pas la seule à me poser ces questions, et ce que je trouve beau également dans l’AR c’est qu’elle permet une flexibilité de la conception de l’amour, pour les personnes asexuelles comme sexuelles, l’intimité physique n’étant pas cantonnée au couple.

Muriel T.H.S

“J’crois que je suis en train d’y venir comme je suis venu à l’anarchie:


Je regardais ça de loin sans trop m’en soucier, voire même en m’en défiant parfois. Je suis tombé sur Murray Bookchin parce que je suis très porté sur l’écologie et j’ai beaucoup apprécié ses propos. J’ai enfin décidé d’ouvrir mes recherches sur l’anarchisme après quelques décennies à tracer ma route, et je me suis amusé de constater que je n’avais presque aucun nouveau concept à intégrer, j’ai depuis longtemps les mêmes références, les mêmes idées (enfant de militant j’ai été politisé très tôt, et j’ai aujourd’hui 40 piges). J’suis juste un peu trop asocial pour avoir eu envie de m’inclure dans le mouvement.


Les “mêmes idées” avec des divergences, l’anarchisme est lui même trop riche pour ne pas comporter de contradictions internes il me semble normal de ne pas pouvoir être en accord avec tout. Mais les fondements libertaires sont simplement dans ma façon de vivre.

L’anarchie relationnelle je suis tombé dessus il y a quelques années par l’entremise de l’amour libre. J’ai écrit mon propre petit code comportemental d’anarchie amoureuse… (*rire intérieur*) j’ai fait quelques tours dans le “libertinage” et ne m’y suis pas trop retrouvé parce que je n’apprécie pas la mercantilisation du sexe et que je trouve que l’esprit libertin actuel est un ersatz de philosophie de vie trop souvent limité à des sauteries. Un peu comme le tantrisme… l’occidental le limitant à des attouchements sous prétextes spirituels alors que la concrétisation orientale du tantrisme est beaucoup plus étendue et profonde que cela.

Me plaignant à une amie de ne pas trouver de groupes “sapiosexuels”, elle m’a conseillé de venir ici [sur le groupe fb anarchie relationnelle] pour au moins satisfaire ma curiosité alambiquée (jackpot^^). A. m’a passé un résumé de la chose, je me suis amusé à constater que j’aborde mes relations de la même façon depuis très longtemps. Comme j’étais un anar sans me demander si je l’étais.”

– Un humain parmi d’autres

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Qu’est-ce qu’ils seraient, les humains, sans amour ?

UNE ESPÈCE RARE.

En tant que nouveau venu dans l’anarchie relationnelle, j’éprouve des difficultés lorsqu’il s’agit de donner un terme à mes relations. Un terme, pas dans le sens où j’aimerais y mettre fin — au contraire —, mais bien un mot qui m’aiderait à qualifier et définir mes relations. Les amoureux·es normatif·ves n’ont pas ce genre de problèmes : iels sont en couple, possèdent un·e petit·e-ami·e, ou parfois un·e ou des partenaires. Selon moi, ce type de dénominations ne convient plus lorsqu’on est anarchiste relationnel.

Cela fait quelques mois que je traîne avec quelqu’un qui me rend vraiment heureux, et que j’aime énormément. Au début, mon premier réflexe fut d’essayer de trouver un nom à cette relation nouvelle, en vue de la définir et de peut-être tracer ces contours. Après tout, n’était-elle pas différente, spéciale, par rapport à mes autres relations, c’est-à-dire mes ami·es et mes proches ? J’ai par la suite réalisé que ce besoin engendrait une hiérarchisation parmi mes relations. En souhaitant donner un terme spécifique à notre relation, je cherchais sans doute à la placer au dessus des autres.

D’où provient donc cette idée que certains types de relations seraient plus importants que d’autres ? Je ne suis pas un théoricien de ce domaine, et certains concepts amoureux me sont inconnus ou me dépassent quelque peu. Cependant, je peux m’apercevoir qu’une des raisons est à trouver dans la société dans laquelle nous vivons. Cette dernière nous pousse à croire que l’amour est une matière rare, et finit de nous convaincre en jouant sur notre cupidité — l’autre m’appartient —, notre jalousie et nos anxiétés. Il s’ensuit la constatation funèbre que nous avons perdu les mots pour décrire nos relations d’une manière non-hiérarchique.

J’ai le sentiment que la société et mes émotions me font croire que je ne veux passer mon temps qu’avec celui ou celle qui me rend heureux. En suivant cette logique, on en vient à désirer que cette personne consacre tout son temps et son énergie en notre compagnie. Pourtant, lorsque l’on aperçoit un merle blanc, désire-t-on vraiment l’enfermer dans une cage ? Ne serait-ce pas mieux pour lui de le laisser vivre, tout en se contentant des instants de bonheur que nous procure sa présence ? En réalité, je me rends compte que ce que je souhaiterais réellement est de pouvoir être aussi proche d’autres personnes, et de peut-être partager un niveau d’intimité intellectuelle et physique similaire. Pour ce faire, nous n’avons d’autre choix que de nous libérer de cette prison qu’est l’amour normatif, et cette libération passera entre-autres par le langage.

Au final, lui et moi sommes dans un fossé sentimental, se situant juste entre le couple et l’amitié. Nous manquons de mots pour décrire les relations qui ne seraient pas romantiques, mais toutefois intimes. De par la notion d’exclusivité qu’il implique, et son association aux relations romantico-sexuelles, le mot « couple » ne convient plus ici. L’utilisation du terme « relation » a quant à lui l’avantage de sa neutralité, mais reste à mon goût trop formel. J’aimerais proposer l’utilisation du mot « amitié ». Par exemple, nous pourrions parler de « notre amitié » pour définir nos relations. Ceci possède l’avantage de placer les autres amitiés sur le même plan, sans sous-entendre qu’elles seraient moins importantes.

La question est de savoir quel sens nous voulons donner à nos amitiés. Bien entendu, chacun possédera sa propre définition, mais j’ai le ressenti que notre société a oublié ce qu’était la valeur réelle d’une amitié. Selon moi, il ne peut y avoir d’amitié sans amour, de même qu’il ne peut y avoir d’amour sans amitié. Les deux sont intrinsèquement liées. Un·e ami·e est donc quelqu’un·e que l’on aime, avec plus ou moins d’intensité et d’une couleur ou saveur variable. Dans une amitié, le respect et l’entraide prennent une place primordiale et non-négociable. Enfin, l’amitié possède chez moi une notion d’éternité, et j’ai tendance à me dire que les ami·es, c’est pour la vie.

Ensuite se pose la question de comment nous désirons qualifier cellui qui nous rend heureux. À nouveau, si on jette un œil du côté de la norme, nous remarquons sans peine que le terme « petit·e-ami·e » et ses dérivés sont utilisés, généralement précédés du pronom possessif adéquat. Ces termes impliquent tous un sentiment de possession et d’exclusivité assez fort, et qui plus est incompatible avec ma vision de l’anarchie relationnelle. La norme m’interdit en effet d’avoir plusieurs petit·es-ami·es, sous prétexte que ce serait moralement mal. Pour éviter de s’enfermer dans ce type de schémas mentaux, je préfère utiliser le mot « ami·e ». Toutefois, je peux percevoir dans mes amitiés différents niveaux d’implication, de confiance et d’honnêteté. Pour palier à ce problème, je propose d’utiliser de simples notions de proximité : ami·e intime, ami·e proche, etc. Selon moi, cela devrait permettre d’éviter de hiérarchiser nos amitiés.

Maintenant, lorsque je souhaite parler de celui qui me rend heureux à mes ami·es, je suis confronté au paradigme amoureux imposé par notre société. On me demandera inévitablement si je suis en couple/ensemble avec cette personne, et le cas échéant on me demandera des détails sur la nature de cette relation. Bref, je vois bien qu’iels ne comprennent pas, et je sens que peu à peu je perds patience à devoir sans cesse leur expliquer. Puisque ce sont mes ami·es, j’ai pourtant envie qu’iels réalisent à quel point ceci est important pour moi. Aussi, j’aimerais parfois pouvoir me rapprocher de certain·es d’entre elleux, mais certains gestes, tels que se tenir la main ou se faire des câlins, semblent être réservés aux couples. Je désire qu’on puisse s’entraider à déconstruire le concept de l’Amour™, pour ensuite reboucher ensemble cet abîme qui sépare l’Amour de l’Amitié.

~ Personne

Anarchie Amoureuse

???? Toutes mes relations sont uniques ; toutes sont des amitiés ; toutes sont basées sur l’amour.

L’amour et le respect, plutôt que le droit de m’approprier autrui, définissent mes relations de valeur.????

Je réfléchis aux valeurs qui fondent mes relations. Respect, solidarité, honnêteté, loyauté, partage..

Je construis des solidarités Queer dans la guerre sociale contre le régime de la Normalité✨

????Je cesse de réprimer mes élans d’amour, je choisis de laisser la place à la spontanéité et aux désirs

Je développe une série de stratégies variées que je peux utiliser face aux difficultés ????

????‍❤️‍????‍????Je construits la confiance pour ne pas céder à la méfiance

Je remplace les normes par les échanges. Je me ré-approprie les outils d’écoute, je banalise la communication ⛈

????Mes engagements sont des promesses ; vivantes, mouvantes, choisies et consenties

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Travail émotionnel/relationnel et genre

Je suis Fem. Je m’approprie les caractéristiques associées à la FéminitéTM, je les tronque, je les mixe, je les interprète à ma façon et j’en fais quelque chose de fort. Une de ces caractéristiques, c’est le travail émotionnel. Ce travail fait partie du care qui est attribué aux femmes dans notre société, et plus largement, à toutes les personnes lues comme féminines, et à toustes les Fems. Ce travail est réparti de façon fondamentalement inégalitaire : il serait naturel, inné, aisé pour les Fem(me)s. En conséquence, il est également gratuit, non reconnu, non protégé. Et s’il est inné, il ne peut donc pas être appris… Or les psychologues font ce travail professionnellement, et cela n’a rien d’aisé ni de faible ou d’évident. Ces professionnel·les (dont je suis parti pour être l’un d’elleux) sont particulièrement à risque de burn-out. Yels apprennent à faire ce travail et à se protéger de ses risques. Yels bénéficient de supervisions, d’intervisions, sont reconnu·es, leur travail n’a pas l’air évident. Mais les Fem(me)s qui font ce même travail ne bénéficient pas de ces précautions. Ces Fem(me)s n’ont personne pour les écouter, quand elles sont au bord du burn-out car elles doivent fournir ce travail dans une relation où il est réparti de manière inégalitaire. Non, on les envoie… chez le psy. Et ce psy va leur fournir ce travail émotionnel, qu’elle vont payer cher, car personne ne va le fournir gratuitement pour elles dans leur relation. Les hommes cis blancs en particulier, ne vont pas fournir ce travail, car ils ne l’ont pas appris. D’autres personnes non-Fem ne vont pas le fournir car cela n’a pas de valeur à leurs yeux, ou est vu comme une menace à leur masculinité.

Dans Queer Ultra-Violence (extraits traduits), il y a un texte que j’apprécie beaucoup, « Anarchie de la mode: Entretien avec Le Boulevardier ». à propos de la mode, de l’anarchie et du genre, il y a ce passage quasi jouissif:

« Ces derniers temps, j’ai beaucoup pensé à la façon très commune dont les radicaux·ales imitent une forme de masculinité obligatoire. […] On risque de ne pas être d’accord sur ce sujet, toi et moi, mais je n’arrive pas à m’empêcher de voir dans la violence insensée une forme de masculinité obligatoire. Ce qui amène à la question : contre quoi se bat-on ? Pour moi la mode, l’anarchisme et le genre gravitent tous autour du féminisme et du combat contre la misogynie. Je veux créer une société où la féminité domine. […] Le principe fondamental du féminisme tel que je le comprends est la création d’une société où la supériorité physique, la violence et la domination ne sont plus les principes directeurs. Quand je lis des textes insurrectionnalistes, et notamment ceux du Comité Invisible, ils ne sont pas concernés par ça du tout, on dirait que leurs analyses sont écrites par un tas de petits garçons qui veulent un temps de récréation plus long au lieu d’un document sérieux sur la destruction de l’État. »

Selon moi, la création de cette société où la féminité domine, passera par la valorisation des caractéristiques associées à la féminité, et donc, par la valorisation, et la diffusion égalitaire du travail émotionnel. Or, dans l’anarchie relationnelle, la communication est une valeur centrale. Cela signifie que le travail émotionnel est central. Mais qui va faire ce travail ? L’anarchie relationnelle doit s’attaquer aux inégalités à la base de cette distribution oppressive du travail émotionnel.

Il faut, premièrement, que les hommes cisgenres et les personnes non-Fem apprennent à faire ce travail émotionnel. Quand un·e Fem(me) demande ce travail à un·e non-Fem(me) qui lui répond « je suis désolé·e, je ne vois pas comment t’aider », ou pire, qui lui fait comprendre « je ne suis pas ton psy », il y a un gros problème. C’est un problème de misogynie, et de femphobie, cette idée selon laquelle faire ce travail est dévalorisant et trop difficile (inné donc pas apprenable), et qu’exprimer ses émotions et besoins c’est faire preuve de faiblesse. Il faut que ces personnes non-Fem(me)s acquièrent les compétences nécessaires au travail émotionnel. Cela passe par la pratique, et par la théorie et l’information (par exemple, renseignez-vous sur la communication non-violente et l’écoute active).

Deuxièmement, il faut que ces personnes non-Fem(me)s cessent de s’attendre à ce que les Fem(me)s fournissent ce travail. Les fem(me)s apprennent qu’il n’y a pas de place pour l’expression de leurs désirs et de leurs émotions dans leurs relations, elles apprennent à faire preuve d’empathie y compris quand elles sont en colère et qu’elles ont plus envie de distribuer les baffes que les câlins. Chèr·es non-Fem(me)s, cessez de demander ce travail aux Fem(me)s ; demandez-le à vos semblables. C’est aussi une question de consentement : quand vous avez besoin de soutien émotionnel, demandez à la personne si elle est disponible pour le fournir. Ne venez pas déverser vos émotions en attendant qu’elle en fasse quelque chose à votre place : faites d’abord votre part du travail en regardant ce que vous ressentez, pourquoi vous le ressentez, quels sont les besoins à la base de ces sentiments, et ensuite demandez à la personne si elle est disponible à ce moment, pour parler de tel sujet. Pensez également aux oppressions vécues par l’autre. Par exemple si vous êtes blanc·he, parler à un·e ami·e noir·e de l’élection de Trump alors qu’il a été propulsé au pouvoir par la Blanchitude, ce n’est pas l’idée du siècle. Je pense que ce n’est pas aux concerné·es de fournir ce genre de travail émotionnel, ni de faire de la pédagogie, ni de répondre aux questions des non-concerné·es sur ces sujets. C’est aux allié·es d’apprendre à faire ce travail.

Troisièmement (et c’est lié à ces histoires de pédagogie), je voudrais parler de l’asymétrie de déconstruction dans les relations, et de ses liens avec le consentement et le travail émotionnel dans mon histoire personnelle. L’anarchie relationnelle est un travail permanent de déconstruction. Je suis anarchiste relationnel, mais toutes les personnes avec qui je suis en relation ne le sont pas forcément. Suite à une agression sexuelle que j’ai vécue il y a un an, j’ai commencé à réfléchir énormément au sujet du consentement. C’est une des choses qui m’ont amené à l’anarchie relationnelle. J’ai d’abord abordé la question du consentement dans des endroits safe, j’ai commencé à participer aux activités du groupe Sex-Positive Belgium, à faire des petits pas de bébé pour tout ré-apprendre de zéro, pour reconstruire les bases, pour apprendre, et reconstruire ma sécurité relationnelle. Puis, me sentant confiant, je me suis plus investi, j’ai recommencé à reconstruire des relations, et je me sens désormais entouré par une communauté de personnes qui m’aiment et me soutiennent. La construction de cette communauté impliquait de sortir de ma bulle d’isolement et de monde déconstruit safe, et d’accepter d’à nouveau partager une intimité avec certaines personnes, des personnes moins déconstruites que moi sur les questions de consentement. j’ai à plusieurs moment dû fournir un soutien émotionnel en effaçant ma propre histoire, et en faisant preuve d’empathie alors que j’étais en colère. J’ai du écouter une personne que j’aime me parler de la difficulté qu’elle a à gérer les refus d’autres, alors même que ce problème s’était posé dans notre relation, et que je me sentais plus en empathie avec ces autres, qu’avec la personne que j’étais sensé soutenir. J’étais sensé écouter cette personne, alors que moi-même j’étais plongé, par son récit, dans mes propres histoires d’agressions. J’étais sensé essuyer les tears, alors même qu’il n’y avait pas de place pour l’expression de ma propre histoire, de mes propres émotions, et de ma colère. Le travail émotionnel est quelque chose de fatiguant. Mais, dans ces conditions, il l’était encore plus. Mes difficultés ont donc progressivement culminé, avant que je me rende compte que je fournissais ce travail émotionnel dans mes relations, mais que d’autres ne le fournissaient pas pour moi. Je me sentais aimé, valorisé par ces personnes qui me disaient « merci », d’avoir été là pour les soutenir. Mais je n’avais personne à qui dire « merci ».

Le problème de l’inégalité dans le travail émotionnel, c’est que c’est un cercle vicieux. Les non-Fem(me)s n’apprennent pas à exprimer leurs émotions correctement, et s’attendent à ce que les Fem(me)s les gèrent à leur place. Vous pouvez me parler de l’importance de la « responsabilité de ses émotions » autant que vous voulez, mais ce n’est pas si simple. Ce concept n’est pas suffisant. Il est d’ailleurs fortement agaçant car il efface les systèmes d’oppression qui amènent les non-Fem(me)s à devenir des irresponsables émotionnel·les, comme si nous étions toustes des irresponsables émotionnel·les. Pourtant, les Fem(me)s sont hautement responsables émotionnellement. Mais dès qu’yels sont fragilisé·es, on les accuse d’être hystériques et émotionnel·les, et on les envoie chez le psy. Et c’est ainsi que les Fem(me)s continuent d’apprendre à ne pas demander de travail émotionnel de la part des non-Fem(me)s, et que ces dernièr·es continuent d’apprendre à être des irresponsables émotionnel·les et à penser que le soutien émotionnel de la part des Fem(me)s leur est dû.

RESSOURCES :

(EN) à propos de l’expression des émotions des blanc·hes, et les white tears : http://everydayfeminism.com/2016/02/white-people-emotions-tears/

(EN) fanzine « How misogyny hurts Queer communities : http://bitchpleasedistro.tumblr.com/post/29807525518/1-2-3-punch-how-misogyny-hurts-queer

(FR) Le femzine : https://lefemzine.wordpress.com/

(EN) Emotional Labor : The Metafilter Thread Condensed : https://drive.google.com/file/d/0B0UUYL6kaNeBTDBRbkJkeUtabEk/view?pref=2&pli=1

(FR) Soutenir un·e survivant·e d’agression sexuelle : https://infokiosques.net/spip.php?article793

(FR) Apprendre le consentement en trois semaines : https://infokiosques.net/spip.php?article1315

(FR) : Queer Ultra-Violence : https://infokiosques.net/spip.php?article1021

(FR) Site belge de la CNV (communication non-violente) : http://cnvbelgique.be/

(FR) Un nouveau travail de « care » conjugal : La femme « thérapeute » du couple : https://www.cairn.info/revue-recherches-familiales-2006-1-page-38.htm

(EN) Groupe Meetup Sex-positive Belgium : https://www.meetup.com/fr-FR/Sex-Positive-Belgium/

(EN) Groupe Meetup Feminists of Brussels : https://www.meetup.com/fr-FR/Feminists-of-Brussels/

(FR) La répartition des tâches entre les femmes et les hommes dans le travail de la conversation http://lmsi.net/La-repartition-des-taches-entre

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La Communication NonViolente

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(CNV)

La CNV est un outil pour identifier et exprimer ses émotions, et écouter celles des autres. Je ne m’y connais pas en CNV, mais je l’ai utilisée plusieurs fois pour m’aider à identifier mes émotions et savoir quoi en faire, en m’aidant d’une liste des besoins et émotions (voir pages suivantes). http://cnvbelgique.be/cnv-cest-quoi/

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FEU À TOUTES LES PRISONS

 

Pour en finir avec la « théorie sexuelle de la valeur ».

Mikaël MUGNERET

Préambule : Ce texte est rédigé d’un point de vue masculin cisgenre et hétérosexuel. De fait, il me semble que l’attitude dont il est question touche essentiellement (même si pas exclusivement) des hommes cis dans des relations hétérosexuelles. Par ailleurs, je ne me sens pas légitime pour expliquer aux personnes qui ne sont pas des mecs cis hétéros comment elles doivent envisager leurs relations. Toutefois, il n’est pas impossible que ce texte puisse parler dans une certaine mesure à ces personnes. Si tel est le cas, tant mieux.

Partons d’une situation assez classique :

Un homme rencontre une femme, iels sympathisent, iels s’entendent vraiment bien, iels rigolent beaucoup ensemble, vont au resto et au ciné ensemble, dansent ensemble, etc. A un moment, l’homme fait comprendre à la femme qu’il aimerait bien « aller plus loin », ce qui, dans l’esprit des deux, veut souvent dire : « entamer une relation de nature sexuelle, voire romantico-sexuelle » (avec potentiellement tout le package habituel qui est livré de série et comprenant : vie de couple, projets de vie, gros achats communs, se balader main dans la main dans la rue en se faisant de temps en temps des bisous sur la bouche et en s’appelant par les surnoms d’usage comme : « mon amour », « mon/ma chéri-e », etc.). Et là, la femme fait comprendre à l’homme qu’elle n’est pas intéressée par ce « plus loin », d’où s’ensuit généralement un malaise chez les deux.

Que se passe-t-il dans la tête de l’homme à ce moment là, en général ? Il va se sentir rejeté dans sa personne à cause du refus de sexe, va se dire qu’il n’est pas tant aimé qu’il le pensait (et que ce n’est pas juste, vu comme lui il s’est investi). Si cette femme dit « oui » pour du sexe à une autre personne, il va se dire : « mais qu’a-t-il/elle de plus que moi ? » et va penser qu’elle le préfère nécessairement, qu’elle le trouve mieux, etc. Bref, je ne vais pas épiloguer plus longtemps, vous voyez toutes et tous de quoi je parle.

On peut résumer ces croyances en une série de points :

  • « Je ne compte pas autant pour elle qu’elle compte pour moi ou que les autres (ceux avec qui elle a une relation romantico-sexuelle) comptent pour elle. »

  • « Les moments que l’on passe ensemble ont sans doute moins de valeur pour elle que pour moi et les moments qu’elle passe avec les autres ont sans doute davantage de valeur, pour elle, que les moments qu’elle passe avec moi.. »

  • « Elle ne veut pas s’investir émotionnellement avec moi autant que je veux m’investir émotionnellement avec elle ou qu’elle veut s’investir émotionnellement avec les autres. »

  • « Elle ne veut pas s’investir physiquement avec moi autant que je veux m’investir physiquement avec elle ou qu’elle veut s’investir physiquement avec les autres. »

  • « Elle ne voudra jamais avoir de relations sexuelles/romantico-sexuelles avec moi jusqu’à la fin des temps. »

  • « Elle n’est pas attirée sexuellement / romantiquement par moi ».

On a là une sorte de théorie de la valeur déclinée en plusieurs points (ma valeur, la valeur du temps passé avec moi, la valeur de nos échanges émotionnels, etc.). Une théorie sexuelle de la valeur, puisque cette valeur n’est mesurée qu’à l’aune du souhait d’avoir du sexe avec moi là, maintenant, tout de suite.

Je pense que toutes ces croyances qui traversent souvent l’esprit des hommes face à un refus de relation sexuelle (voire romantico-sexuelle) créent l’essentiel de la souffrance liée aux dits refus, laquelle justifie en retour les dites croyances. Rompons donc le cercle vicieux. Une analyse précise de ces croyances montrera, je l’espère, en quoi elles sont toutes infondées, et en quoi, finalement, le refus de sexe (et de romance) est beaucoup moins grave qu’il n’y paraît.

La liberté sexuelle et amoureuse c’est aussi la liberté de dire « non »…

Ne pas vouloir de sexe avec quelqu’un-e n’a rien à voir (ou pas forcément) avec :

1) La valeur qu’on lui accorde, l’importance qu’iel a à nos yeux.

C’est évident lorsque l’on parle de l’amour parental. De nombreuxes parent-e-s sont prêt-e-s à se sacrifier pour leurs enfants et, à choisir, préféreraient donner leur vie plutôt que ça soit celle de leurs enfants qui soit prise (bon, il y a évidemment des exceptions). Pour autant, l’amour parental n’a absolument aucune composante sexuelle (ou romantique). Pourquoi l’amour d’une femme pour un homme ne pourrait-il pas, de même, être totalement dépourvu de sexualité (et de romance), sans que cela signifie que l’homme à qui il est adressé à moins de valeur ou d’importance ? De fait, je sais que certaines femmes tiennent davantage à leurs ami-e-s platoniques qu’à leurs amant-e-s et se confient plus volontiers à elleux. Si une femme était mise dans la situation de devoir choisir entre la mort d’un ami platonique et la mort d’un amant, rien ne garanti qu’elle choisirait la mort du premier. Cela implique que l’ami platonique n’a pas nécessairement moins de valeur ou d’importance pour la femme en question que l’amant.

2) La manière dont on souhaite s’investir temporellement avec ellui.

Il n’y a aucun lien entre le temps que l’on souhaite passer avec quelqu’un-e et le type d’activité que l’on partage avec ellui. Une femme peut bien voir un amant seulement un soir par semaine et voir un ami platonique trois jours pleins hebdomadaires.

Imaginons, toutes choses égales par ailleurs, qu’une femme, Agathe, ait un amant, Bernard, ainsi qu’un ami platonique, Cyril. Supposons qu’Agathe passe exactement le même temps avec Bernard et Cyril. Manifestement, si elle a du sexe avec l’un des deux et pas avec l’autre, cela signifie qu’elle aura davantage de temps pour accomplir avec ce dernier d’autres activités… qu’elle ne pourra donc pas faire avec le premier. Pourquoi partir du principe que partager du sexe est forcément une meilleure manière d’occuper ce créneau temporel que partager une autre activité ?

On objectera peut-être que même si le temps consacré à Bernard et Cyril est identique, la diversité en types d’activités diffère : activités purement non-sexuelles pour l’un, activités sexuelles et non-sexuelles pour l’autre. Mais une telle catégorisation est grossière et regroupe dans les activités non-sexuelles tout un ensemble d’activités de nature fort diverse n’ayant rien à voir les unes avec les autres (quoi de commun entre les deux activités non-sexuelles que sont la belote et le saut à l’élastique par exemple ?). Or, si on peut bien admettre qu’un certain nombre de types d’activités sont communes pour nos deux hommes, il n’est pas du tout évident qu’il n’y ait pas certains types d’activités qu’Agathe se verrait partager avec Cyril mais pas du tout avec Bernard. Ainsi, peut-être qu’Agathe partage les mêmes goûts musicaux que Cyril mais pas du tout ceux de Bernard. Par conséquent, peut-être prendra-t-elle un réel plaisir à partager une sortie à un concert avec le premier, mais qu’elle n’aurait absolument pas envie de faire de même avec le second. Au final, il est même possible que le nombre de types d’activités différentes partagées avec Cyril soit supérieur au nombre de types d’activités différentes partagées avec Bernard. Peut-être qu’Agathe ne partage que du sexe et des bavardages sans intérêt avec Bernard, mais qu’elle partage des activités sportives, des sorties en concert, des sorties en restos gastronomiques, et des discussions philosophiques avec Cyril.

Considérons encore ceci : si, à un temps T, Agathe a la possibilité d’avoir une relation sexuelle avec Bernard ou de sortir à un concert avec Cyril et qu’elle choisit d’aller au concert avec Cyril, cela voudra clairement dire qu’au temps T, la sortie au concert avec Cyril l’attire davantage que la relation sexuelle avec Bernard. Si Agathe n’a systématiquement de relations sexuelles avec Bernard qu’en second choix, quand Cyril n’est pas disponible pour une activité non-sexuelle, on pourra même dire que de manière générale, pour Agathe, les activités partagées avec Cyril, quoique non-sexuelles, passent avant (en ordre d’importance / valeur accordée) les relations sexuelles partagées avec Bernard.

3) La manière dont on souhaite s’investir émotionnellement avec ellui.

Notre société et notre culture relient tellement le sexe à l’amour (et l’amour au seul amour romantique) qu’on a beaucoup de mal à imaginer qu’une véritable et profonde affection entre un homme et une femme d’une même tranche d’âge puisse passer par une autre voie que le sexe (le sexe sans amour semble toutefois un brin plus simple à conceptualiser pour beaucoup) et l’amour romantique. Pourtant, entre hommes, ou entre femmes, ou lorsque la différence d’âge est marquée, cela semble naturel (préjugé âgiste et hétérocentré ? ).

Quoi qu’il en soit, les sentiments (ce qu’on peut ressentir pour une personne), même romantiques, peuvent fort bien être dissociés des attirances sexuelles, comme nous le prouve le cas des asexuel-le-s romantiques par exemple (d’ailleurs, les asexuel-le-s aromantiques peuvent fort bien éprouver des sentiments très forts également, c’est juste que les dits sentiments ne seront pas romantiques).

Agathe, pour reprendre mon exemple, peut s’investir émotionnellement de bien des façons différentes. En consacrant du temps et de l’énergie à préparer un repas dont Cyril raffole tout en pensant au plaisir que ça va lui faire, elle s’investit émotionnellement pour lui, bien que ce soit de façon non-sexuelle (et possiblement non-romantique). Il en est de même si elle écoute attentivement ses confidences douloureuses et tâche de faire de son mieux pour l’épauler et l’aider. Il n’y a pas si longtemps, une amie lesbienne me disait de ne jamais hésiter à l’appeler au cas où ça n’irait pas moralement, ou si j’avais besoin d’argent, ou si j’étais dans sa ville un jour et que je ne sache pas où dormir. Elle m’avait aussi envoyé un petit mot d’encouragement lorsque j’ai passé les oraux du CAPES en 2015. J’avais été extrêmement touché de toutes ces attentions qui, pour moi, dénotent un évident investissement émotionnel, bien qu’il soit dépourvu de toute composante sexuelle ou romantique.

4) La manière dont on souhaite s’investir physiquement avec ellui.

Le sexe peut sembler être une manière paradigmatique de montrer à autrui l’importance qu’iel revêt à nos yeux ou de s’investir émotionnellement, car contrairement à une discussion, une partie d’échecs ou un repas, il nous met dans un rapport direct et intime à autrui, en tant qu’être concret. A travers le sexe, ce n’est pas simplement une activité que l’on partage, c’est soi-même.

Mais le sexe n’a pas le monopole de la fusion des corps, malgré ces façons de parler rapides qui identifient relation physique et relation sexuelle.

Désexualiser la nudité, comme à travers le naturisme, c’est une très bonne chose.

Désexualiser la tendresse prononcée, la sensualité (bref : tous les échanges physiques non-sexuels), c’est une très bonne chose également.

La suite logique, c’est de faire les deux d’un coup. Et souvent, là ça bogue chez beaucoup de gen-te-s…

J’ai déjà, rarement, expérimenté cette pure tendresse et sensualité des câlins nus, généralement rabaissés au rang de simples préliminaires, comme s’ils ne pouvaient pas exister et faire sens par eux-mêmes, sans avoir besoin de s’arrimer à la perspective nécessaire d’un coït et/ou d’un orgasme. Je ne dis pas que des sensations érotiques ne peuvent pas nous traverser de temps à autre au cours de ce genre d’expérience. Mais on n’est pas obligé d’agir sexuellement sur la base des dites sensations. [1]

Je trouve que c’est tout un riche champ d’expériences à explorer ainsi qu’un bel apprentissage de la maîtrise de soi, de l’écoute d’autrui, de la connaissance de soi-même, etc.

Ainsi, je remarque que peut-être 90% de ma satisfaction physique passe par la pure tendresse et la pure sensualité, et qu’il m’est arrivé d’avoir du sexe, non pas tant pour le sexe lui-même que pour la tendresse et la sensualité qui l’accompagnent. Mais on peut les avoir sans sexe. Et comme il est généralement plus facile de trouver des personnes avec qui échanger de la pure tendresse et de la pure sensualité que de trouver des personnes avec qui échanger du sexe, il est bien regrettable de se mettre comme barrière mentale de ne pratiquer les câlins non-sexuels qu’avec nos partenaires de sexe…

Attention, je parle bien de barrière mentale : la présence ou l’absence d’attirance sensuelle intrinsèque peut bien sûr être un facteur qui explique pourquoi on pourra ou non avoir des relations sensuelles avec telle ou telle personne de façon satisfaisante, mais ce n’est pas ce dont il est question dans mon propos. Mon propos est relatif, par exemple, à des personnes qui pourraient être attirées l’une par l’autre sensuellement — mais pas sexuellement, ou alors pas de manière réciproque — mais qui renonceraient à donner corps à leur attirance sensuelle, parce que l’une, l’autre ou les deux, craindrai(en)t que ça les amène à du sexe, ou parce qu’elle(s) serai(en)t dérangée(s) par le poids des représentations sexuelles associées aux échanges sensuels (surtout dénudés).

Qu’on me comprenne bien : loin de moi l’idée de critiquer / rabaisser le sexe, et même le PIV. Ça peut être très bien si c’est fait dans le respect du consentement de chacun-e. Je déplore juste cette vision binaire qui ne donne le choix qu’entre des relations largement désincarnées et des relations où la perspective du sexe est toujours présente de façon obligatoire (non pas tant dans chaque relation physique prise isolément, mais comme « idéal régulateur » par lequel elles sont jaugées ; comme l’indique des expressions telles que : « on s’est un peu amusé mais on n’a pas été jusqu’au bout » ; quel bout ??).

Je ne suis pas contre le sexe, je suis contre le sexe obligatoire et aussi contre l’idée obligatoire du sexe ; et aussi contre la distinction et hiérarchisation de nos relations selon qu’elles comportent ou non du sexe (avec les partenaires sexuel-le-s placé-e-s à un rang supérieur aux partenaires platoniques). [2]

On objectera peut-être que si la tendresse et la sensualité peuvent se concevoir à travers des relations physiques dépourvues de sexualité, on peut fort bien avoir des relations physiques qui soient à la fois tendres, sensuelles et sexuelles, et qu’ainsi elles sont plus « complètes », plus profondes, plus satisfaisantes. Franchement, ça se discute. Oui, on peut, lorsqu’on a une relation physique avec quelqu’un-e, passer de moments davantage tendres/sensuels à des moments davantage sexuels, et inversement. Oui, dans une certaine mesure, on peut, simultanément, donner sur un peu tous ces tableaux. Mais notre champ attentionnel n’est pas illimité et, dans une large mesure, ces dimensions entrent en compétition pour se l’accaparer. En sorte que si on veut vraiment se concentrer sur l’aspect sexuel, il paraît difficile de ne pas faire un peu l’impasse sur le reste ; et que si on veut se concentrer sur l’aspect tendre et sensuel, il est préférable de ne pas introduire le sexe… dans l’équation. Selon la même logique, avoir du sexe en lisant n’est pas une mince affaire [3]. Ainsi, même si tant la poésie que le sexe peuvent permettre d’exprimer vos sentiments pour les élu-e-s de votre cœur, il vaut mieux ménager deux espaces temporels distincts pour chacune de ces activités… afin de faire les choses bien.

Pour revenir à la relation entre Agathe, Bernard et Cyril : même si Agathe a des relations sexuelles avec Bernard et non pas avec Cyril, il est tout à fait possible qu’Agathe préfère largement se faire masser par Cyril que par Bernard. Ce n’est pas parce qu’Agathe a des relations sexuelles avec Bernard mais pas avec Cyril que ça veut dire qu’avec Bernard, tout est forcément mieux qu’avec Cyril sur un plan physique. Pour donner à nouveau un exemple personnel, j’ai une amie platonique qui adore que je lui gratte le dos. Elle trouve que je fais ça bien, et de toute façon, aucun de ses amants ne veut lui gratter le dos. Bien que nous n’ayons pas, à ce jour, de relations sexuelles avec cette amie, nous avons donc ce type de rapport physique malgré tout, qui me permet d’avoir une connexion directe et intime avec la personne qu’elle est concrètement.

On voit souvent l’amour comme un stade supérieur à l’amitié, avec plein d’obstacles complexes à franchir… ce qui peut être vrai si on en reste à la « théorie sexuelle de la valeur »…

5) Ce qu’on voudra ou non d’un point de vue sexuel / romantique avec ellui dans le futur.

Même s’il convient rigoureusement d’éviter toute projection (« tu ne veux pas maintenant, mais un jour tu voudras »… ou pas !) et tout harcèlement (« avant-hier tu ne voulais pas, hier je t’ai demandé et tu ne voulais pas, et aujourd’hui comment ça se présente ? »), en revanche, il n’est peut-être pas nécessaire non plus de partir du principe selon lequel un refus sexuel au temps T signifie un refus définitif. La meilleure attitude en la matière, il me semble, est agnostique et surtout non-oppressive. La femme à qui vous avez exposé une première demande est au courant de vos dispositions. Si elle change d’avis, elle pourra toujours revenir vers vous. Le mieux, à mon sens, est même de ne jamais rien demander de nature sexuelle, car cela oblige psychologiquement à prendre position et cela peut être source d’une certaine angoisse pour les deux (et surtout pour la femme, à cause de l’éducation patriarcale à faire fi de son propre consentement). On peut formuler les choses autrement. [4]

6) L’attirance sexuelle et/ou romantique pour ellui.

Cela peut sembler paradoxal, néanmoins il est possible d’être sexuellement / romantiquement attiré-e par quelqu’un-e et pour autant de ne pas souhaiter avoir une relation sexuelle / romantique avec ellui (et l’inverse est tout à fait envisageable également ! [5]). Un certain nombre de motifs ou de raisons peuvent y faire obstacle. Ainsi, par exemple, une femme et un homme peuvent se plaire mutuellement sur un plan sexuel et/ou romantique, mais :

  • L’un-e des deux est polyamoureuxe et l’autre monogame non-polyacceptant-e.

  • La femme est trop impressionnée pour se sentir à l’aise au sein d’une relation sexuelle / romantique avec l’homme.

  • La femme a développé avec l’homme une relation basée sur des confidences au sujet de leur vie sentimentale et sexuelle (par exemple) et, à tort ou à raison, elle craint (plus ou moins inconsciemment / involontairement) que l’introduction d’une composante sexuelle / romantique dans leur relation altère cet aspect de confidences.

  • La femme est également attirée par l’homme pour plein d’autres aspects et elle souhaite d’abord se concentrer sur ces aspects là.

  • Etc.

Dans tous ces cas, il est évidemment possible qu’une relation sexuelle et/ou romantique se mette en place ultérieurement (ou pas…), si des éléments de contexte vienne à changer, si les motifs deviennent caducs, si les raisons ne trouvent plus à s’appliquer, etc. (cf. point précédent). Mais se montrer « relou » n’est évidemment pas une attitude propre à favoriser ce repositionnement.

Conclusion :

De nombreux mecs cis hétéros éprouvent une peine immense à essuyer un refus sexuel / romantique, surtout lorsque d’autres « bénéficient » d’un « oui » de la part de la même personne « convoitée ». Ils ont l’impression d’être remis en question dans leur personne, leur valeur, se disent qu’ils n’ont pas, pour ces personnes, l’importance qu’ils pensaient, etc.

J’espère avoir montré que ces croyances ne reposaient pas sur grand chose, voire sur rien du tout.

Mais alors, pourquoi sommes-nous si nombreuxes à les entretenir ? C’est simple : parce qu’on a été dressé-e-s ainsi par la société et la culture dominante. Nous sommes abreuvé-e-s de messages et d’injonctions qui instillent dans notre esprit l’idée que le sexe est forcément quelque chose de hyper-génial, que si on est puceau à 25 ans on a raté sa vie (le fait même de marquer symboliquement le pucelage par l’usage d’un terme, et l’habitude de dire qu’on se déniaise lorsque l’on a sa première expérience sexuelle participe à renforcer cela), que la valeur d’un mec se mesure à la taille de sa bite et de son « tableau de chasse », ou encore que l’amour romantique est la plus belle et aboutie forme d’amour, que la liberté sexuelle des femmes consiste à dire « oui » tout le temps à tous les mecs qui les draguent, parce que, forcément, « elles ont envie de sexe, et qui plus est avec tous les mecs, et il n’y a rien qui puisse les freiner hormis une morale bourgeoise intériorisée ». Sexualisation fréquente de la publicité (pour vendre des yaourts au bifidus ou des automobiles), romans « à l’eau de rose », tradition des « catherinettes », pornographie mainstream, etc. sont autant d’éléments culturels fort divers de prime abord mais qui vont dans ce sens. Et tout cela est renforcé par les pair-e-s.

Qu’on se le dise, le sexe ça peut être bien, l’amour romantique aussi. Je ne nie pas que l’évolution biologique a pu nous conditionner génétiquement à apprécier particulièrement cela. Néanmoins, je doute que cela prendrait une telle ampleur dans notre vie sans ce renforcement par une bonne couche de conditionnement social et culturel. Dans notre société post-soixanthuitarde, nous avons d’ailleurs bien entamé la dissociation entre sexe reproductif et sexe récréatif ou social. Reste (notamment) à poursuivre la déconstruction, en désexualisant et déromantisant l’intimité émotionnelle et physique, ainsi que l’amour (même profond).

https://anarchamory.wordpress.com/ logoblog

________________________________________________

[1] Cf. : https://thethinkingasexual.wordpress.com/2013/06/25/the-physical-touch-escalator/

[2] Cf. : https://thethinkingasexual.wordpress.com/2013/05/07/relationship-anarchy-basics/

[3] Cf. : http://www.overclockingmadeinfrance.com/une-femme-un-livre-un-orgasme/

[4] Cf. : http://decolereetdespoir.blogspot.fr/2016/01/drague-feministe-7-conseils-pour.html

[5] Cf. les notions de cupiosexualité et de cupioromantisme par exemple.

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Anarchie relationnelle et neuroatypie

En tant que personnes neuroatypiques1, nous faisons partie des exclu·es de l’Amour™. Les NT aiment dire que pour aimer un·e autre, il faut d’abord être bien avec soi-même, s’aimer soi-même. Avec nos estimes de nous-mêmes vacillantes, nos hauts, nos bas, nos souffrances et nos différences, nous ne serions pas à la hauteur. Le couple n’est pas pour nous. Nous serions dépendant·es, hystériques, folles, manipulateurices,.. L’Amour™ serait réservé aux NT, qui apparemment savent s’aimer, communiquer, et se comporter en adultes. Mieux que nous, d’après eux.

L’Amour™ est une violence, une exclusion. L’amour par contre nous appartient. Car nous sommes capables d’aimer et être aimé·es, car nous savons mieux que quiconque ce qui est bon pour nous-mêmes, et que nous ne laisserons pas les NT le déterminer pour nous.

Nous avons la responsabilité de nos émotions, et vous qui nous aimez, et que nous aimons, avez la responsabilité de les respecter, et de les écouter. D’accepter que ce n’est pas évident pour nous, et que vous ne comprenez pas tout. Plutôt que d’effacer ce que nous avons à dire d’un revers de la main, sous prétexte que c’est notre ressenti personnel que que nous devons le gérer nous-mêmes. On ne vous demande pas d’être nos psy, juste de nous respecter en tant que personnes, entières. Plutôt que de ne prendre que ce qui vous arrange.

1Une personne neuroatypique (NA) est une personne dont le fonctionnement psychologique/neurologique sort de la norme dominante, et qui en conséquent subit la psychophobie. Une personne neurotypique (NT) a un fonctionnement psy/neuro dans cette norme, et bénéficie donc d’un privilège neurotypique.

Voir : https://trolldejardin.wordpress.com/2016/08/19/reflexions-sur-les-concepts-de-personne-neuroatypique-neurotypique/

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Proposition d’un symbole pour exprimer ses sentiments en anarel

Camarades anarel, camarades anarel ! l’heure est grave*.

Je me pose des questions. Au sujet de l’amour non-romantique. (Certaines personnes me diront à bon droit : « On est au courant, ouais. ») Et aujourd’hui, je veux proposer un moyen symbolique d’exprimer notre amour non-romantique pour une ou des personnes – le tarif de groupe sera également disponible dès la “mise sur le marché” du “produit”.
Autant Solangeteparle a pu proposer dans sa vidéo « Dire je t’aime » de dédramatiser l’expression « je t’aime », en la sortant de son enrobage romantique, pour le rendre d’un usage plus courant et plus circonstanciel (propre à un moment, à une ambiance), autant je crois qu’en pratique le « je t’aime » reste lourd de l’héritage romantique.

Réagissant au tragique de cette situation, je vous entends tempêter bruyamment depuis le fond de la salle, ou vous morfondre en silence – avouez que ce n’est pas donné à tout le monde ! Mais rassurez-vous, car je viens avec la solution à ce problème.

Mais avant, qu’est-ce que l’amour non-romantique me direz-vous? En gros, quel est le problème ?

(Je vous remercie de me l’avoir posée, comme dirait l’autre, tout ça.)

Je dois encore préciser ce que j’entends par cette expression (je m’attends d’ailleurs de pied ferme sur cette question), mais pour le moment je caractériserais l’amour non-romantique ainsi :
– sentiment de connexion et d’intimité pour une ou des personnes (vous avez compris que je ne perds pas de vue le tarif de groupe, donc je ne repréciserai plus la possibilité du pluriel),
– qui peut très circonstanciel (mais pas uniquement),
– et comme sentiment, est une manière de nous disposer au monde, pouvant le colorer de teintes diverses mais toujours fabuleusement,
– et contrairement au sentiment amoureux, paraît moins sujet à l’arbitraire, plus sensible au partage de valeurs (morales et politiques) communes, moins explosif, plus calme dans sa progression (s’il se déploie dans la durée et non pas dans un simple et bel ensemble de circonstances), moins sujet à l’obsession et à la sensation de manque – « dépendance affective »-free, indique l’emballage, mais des tests par de sérieux-ses scientifiques anarels d’un laboratoire indépendant doivent encore être menés pour confirmer cette allégation.

Sous l’événement Facebook de la projection de Lutine, je défendais que nous gagnerions tou-te-s à partager davantage d’amour non-romantique dans notre quotidien, et que l’anarchie relationnelle était un dispositif théorique à même de répondre efficacement à cette tâche. J’espère pouvoir développer cela ultérieurement, mais en attendant vous pouvez jeter un oeil à ce que j’ai écrit à ce sujet là-bas.

Eh bien, aujourd’hui je viens avec un outil pour ce partage, un symbole de ce que nous pouvons éprouver pour autrui : le chaudouxdoux.

Cette merveilleuse petite boule de tendresse et de douceur a été décrite dans le conte chaud et doux éponyme. Y aurait-il des personnes sur ce groupe qui le ne connaîtrait pas ? Alors là, laissez-moi vous demander comment vous avez pu arriver jusqu’ici, sans être coopté-e par un-e pourvoyeur-se de chaudouxdoux : c’est un véritable mystère pour moi. 🙂


Vous pouvez accéder au conte ici : https://www.facebook.com/notes/392640630778637/

Le chaudouxdous y est présenté dans ce passage :

« En ce temps-là, c’était très facile de se procurer des chaudouxdoux. Lorsque quelqu’un en avait envie, il s’approchait de toi et te demandait: ” Je voudrais un chaudouxdoux!” Tu plongeais alors la main dans ton sac pour en sortir un chaudouxdoux de la taille d’un poing. Dès que le chaudouxdoux voyait le jour, il commençait à sourire et à s’épanouir en un grand et moelleux chaudouxdoux. Tu le posais alors sur l’épaule, la tête ou les genoux, et il se pelotonnait câlineusement contre la peau en donnant des sensations chaleureuses et très agréables dans tout le corps. »

Comme nous disséquerons le sentiment d’amour non-romantique (comprenez : le chaudouxdoux) ultérieurement, contentons-nous pour le moment d’étudier l’acte de don du chaudouxdoux :

– tout d’abord, le chaudouxdoux est abondant ; cette caractéristique, placée en premier (n’est-ce point remarquable ?), pourrait paraître extrinsèque, mais il s’agit d’un des propres du chaudouxdoux ; en droit, il n’est jamais seul et il ne fait jamais défaut ;

– nous pouvons demander à ce que quelqu’un-e nous en donne ; et de manière corélative, cela signifie pour moi que nous ne pouvons pas donner un chaudouxdoux à qui n’en veut pas (quelqu’un a dit « consentement actif » ?) ;
– en dépit de l’abondance du chaudouxdoux, cela demande un effort (certes, peu important) de donner un chaudouxdoux (plonger la main dans notre sac à chaudouxdoux ; le chercher dans notre cœur, si l’on veut) ;
– le chaudouxdoux se réjouit quand il sort du sac ; autrement dit, l’expression du sentiment fait du bien au sentiment ressenti ; en quelque sorte, il s’épanouit et se sent vivre, de sorte que l’expression du sentiment est à comprendre comme un moment de la vie du sentiment ;
– la personne qui reçoit un sentiment d’amour non-romantique convenablement exprimé ressent de la chaleur et de la douceur dans son corps – à divers degrés, selon la quantite de chaudouxdoux reçus ;
– comme le chaudouxdoux est abondant, l’échange peut être provisoirement unilatéral – ne consister qu’en un don d’une personne à une autre.

Cette dernière caractéristique rappelle que le chaudouxdoux nourrit la relation – qu’elle soit à peine naissante, jeune, mûre, mal en point, veillissante ou simplement éphémère – et que cet acte peut être autosuffisant : il n’est bon, au sens de juste et d’agréable, de donner que ce que nous ressentons comme juste. En d’autres mots, il faut disposer de l’envie d’aller chercher le chaudouxdoux dans le sac.


Chaque chaudouxdoux est comme une quantité unitaire d’amour non-romantique, à valeur d’un « je t’aime » qui s’offre librement et sans attente autre que le plaisir du partage du sentiment qui nous illumine. Ce faisant, il peut nourrir une relation qui durera ou non.

Vers une juste posologie du chaudouxdoux ?

Offrir un chaudouxdoux est une belle chose, mais les sentiments sont tellement nuancés que nous rencontrerons rapidement une difficulté : comment user de ce symbole pour exprimer l’essentiel de ces nuances ? Revoici la question de la justesse de ce que nous donnons qui revient. Je vois deux possibilités supplémentaires d’usage des chaudouxdoux : soit jouer sur la quantité de chaudouxdoux ; soit mettre en place une symbolique des couleurs des chaudouxdoux, qui pourraient être en rapport avec l’intensité du sentiment, ou son nom précis, ou sa texture particulière. La première solution consiste à traduire l’intensité du sentiment (de nature qualitative) en quantité ; la seconde, à traduire de l’intensité en qualité. La seconde paraît donc opérer une traduction plus respectueuse de son objet. Mais attention, il pourrait être dommageable de s’engager dans une démarche classificatoire au niveau des qualités (chaudouxdoux de couleurs différentes). Elle pourrait en effet réengendrer une hiérarchie entre types de relation, si un type de chaudouxdoux conçu ou éprouvé comme supérieur à d’autres ne s’échangeait que dans un type relation, au détriment des autres. (Par exemple, un chaudouxdoux rouge pourrait être dédié aux relations romantiques.) Par conséquent, si des personnes éprouvent le besoin de symboliser des sous-types de l’amour non-romantique par différents types de chaudouxdoux, il conviendra de ne pas hiérarchiser ces types de boules chaleureuses.

Nota bene : bien sûr, en tant que symbole, le chaudouxdoux n’est qu’un moyen parmi d’autres d’exprimer notre affection.

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D’une distinction entre le « je t’aime » et le chaudouxdoux, une réflexion sur le sentiment d’amour non-romantique.

En réfléchissant aux propriétés du chaudouxdoux, j’ai aussi constaté qu’il avait l’avantage par rapport au « je t’aime » de ne pas faire appel à des structures linguistiques. Les pronoms personnels « je » et « t’ » se retrouvent symbolisés dans l’acte de don du chaudouxdoux d’une personne à une autre. (Notez encore une fois que le chaudouxdoux n’est pas décrit pour lui-même dans le conte, mais que ses propriétés sont solidaires de l’acte du don. Le conte s’intéresse bien davantage à l’expression du sentiment d’amour non-romantique qu’à ce qu’il est en lui-même.) Le problème avec les pronoms personnels est qu’ils peuvent créer ou entretenir une répresentation fixiste de ce que nous sommes. Associés au présent du verbe aimer, qui dans les portions les plus pro-passion de la culture romantique, tend à être interprété comme valant pour vérité générale, le « je t’aime » devient un engagement à vie entre deux personnes représentées immuables pour leurs sentiments réciproques.

Loin de moi l’envie de soutenir que l’on ne peut pas prendre de la distance avec ces mécanismes, de la manière par exemple proposée par Solangeteparle ; mais je remarque que le chaudouxdoux, comme symbole pour exprimer un sentiment, personnalise et fige moins cette expression – au niveau de la forme s’entend.
Pendant un moment de mes réflexions, j’en ai été venu à penser que le chaudouxdoux ne la personnalisait pas du tout. C’est sûr, mais je comparais alors le « je t’aime », qui est un acte de communication, avec le chaudouxdoux seul, qui est une fiction pour le conte lui-mềme puisqu’il n’existe pas en dehors d’un don. À présent, comparant « je t’aime » et don de chaudouxdoux, j’en viens à penser que tout acte d’expression d’un sentiment est personnalisant, et que considérer un sentiment hors de l’acte de son expression est délicat : cela ne fausserait-il pas la compréhension qu’on pourrait se faire des sentiments en général ? J’essaierai de tenir compte de cette réflexion quand il s’agira d’étudier le sentiment d’amour non-romantique pour lui-même.

* Les personnes qui ont reconnu dans cette interpellation, et dans la tonalité générale de ce post, un éhonté plagiat de Desproges peuvent demander le chaudouxdoux qu’iels ont remporté.

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Une déclaration d’amitié.

« Je réfléchissais à un truc.

Tu vois comment nos parents privilégient la sécurité et la survie sur la réalisation des rêves? Comment ils ne comprennent pas qu’on veuille pas s’enterrer dans un boulot stable et qui rapporte, alors que c’est la crise, et qu’à leur époque, ils avaient pas de rêves.

Pour ma mère, c’est la même logique dans les relations : Quand tu es avec quelqu’un·e, ça doit être pour la vie. Elle m’a même sorti que les gosses, c’est pas pour la vie, après vingt ans c’est fini, alors que « un homme c’est pour la vie ». Ben, ça aussi c’est une question de survie : Si tu te retrouves seul·e à trente ans parce que tu l’aimes plus, que vous n’avez plus rien en commun, que vous ne faites plus l’un·e de l’autre une meilleure personne, ben tu vas galérer pour trouver quelqu’un·e qui veuille bien de toi, tout le monde sera déjà casé·e! Donc en gros, il faut « trouver le bon et le garder ». Si tu te retrouves seul·e, tu vas crever seul·e, souffrir seul·e, vieillir seul·e, et ce sera encore pire vu que t’auras pas de gosses (dans mon cas). Tout sera plus dur, tu n’auras personne pour te soutenir financièrement. C’est ça, la survie selon nos parents : un boulot stable et une relation monogame stable pour la vie.

Alors, je me dis, oui, c’est vrai, on vit aujourd’hui dans une société hyper-flexible, mobile, instable, précaire (merci le capitalisme). C’est ça l’insécurité, c’est ça qui pousse à la survie. Mais j’en veux pas de leur modèle de survie. Toi non plus. Donc quelle stabilité avoir dans nos vies?

J’en n’ai rien à foutre des pseudos-solutions individualistes de hippies bobos du genre allez en psychothérapie et faites de la méditation. Je pense que oui, on a besoin d’engagements dans nos vie. Nos parents on peur parce qu’iels pensent qu’on s’engage moins qu’à leur époque. Je ne sais pas si c’est vrai, et je me méfie un peu de cette idée à cause des réponses réacs qu’elle amène généralement.

Ma réponse, c’est : les ami·es. La loyauté en amitié. D’ailleurs, ça me frappe, mes parents ont pas d’ami·es. Ma mère a une amie, elle la voit même pas une fois par an. Au lieu que ce soit l’amitié qui l’aide face au coups durs, c’est les coups durs qui l’éloignent de l’amitié. Je sais pas si c’est comme ça pour tes parents. Je sais pas si c’est un truc qui s’est cassé à l’âge adulte, où si ça n’a jamais été important à leurs yeux. Mais je veux jamais laisser tomber mes ami·es et je les laisserai pas partir « comme ça ». Et j’attends la même chose d’eux.

Je veux pas des relations hypocrites et superficielles que je vois trop souvent entre adultes de leur génération et qui me font vomir.

T’es une vraie amie et je te laisserai pas tomber »

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Je compte faire un Keurs de toutes les Kouleurs n°2 ! Donc si vous voulez voir vos réflexions/oeuvres/… dedans, envoyez un ptit mail à igor.d[at]inventati.org ^__^

 

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